Par Fabienne Papin le 14 décembre 2011 pour L'actualité médicale
Un brin caricatural, STAT n’a pourtant rien à voir avec ER, mais tout avec la vraie vie. « Comme dans bien des choses fictives, on reprend la réalité et, derrière les planches, tout est réel », dit le Dr Paquet.
Même si certaines situations semblent abracadabrantes, elles partent de situations vécues, voire impossibles à dessiner ! « Si, à l’urgence, on voit quelqu’un avec un objet un peu bizarre dans le rectum, on n’en parlera pas, mais on transposera avec la radiographie d’une bouteille de vin, qui dit tout ! »
Et il faut croire que les situations cocasses ne manquent pas à l’urgence du Centre hospitalier Hôtel-Dieu de Lévis, où l’urgentologue travaille. En tout cas, assez pour lui inspirer des dizaines d’histoires depuis quelque deux ans. Des gags mis ensuite en images par l’infirmier Yves Lessard.
«Cela faisait une dizaine d’années que je voulais faire une bande dessinée sur les situations cocasses que les médecins et les infirmières se racontent dans les urgences, quand j’ai remarqué, une fin de nuit, son talent en dessin. C’était exactement le genre de personne que je voulais», relate le médecin.
M. Lessard a depuis quitté l’Hôtel-Dieu de Lévis pour accepter un poste d’infirmier à l’urgence psychiatrique de l’Hôpital du Saint-Sacrement de Québec, ce qui n’empêche pas les deux hommes de continuer leur collaboration.
Pourquoi le format « Strip » ?
Travail d’équipe et d’amis
Les nombreux amis du Dr Paquet dans le milieu médical – outre ses fonctions d’urgentologue, il est un des membres fondateurs du service de médecine hyperbare et a participé à la mise en place des mesures d’urgence en cas de pandémie – sont aussi mis à contribution quand il s’agit de réfléchir à des idées de gags. «J’ai un logiciel de notes par Internet dans lequel on a plusieurs sections : idées à discuter avec les amis, idées à dessiner et idées toutes prêtes. Je décris à Yves case un, tel personnage avec tel texte, case deux, case trois. »
Connaissant tous deux les urgences, les deux hommes se comprennent vite. Après quelques ajustements sur un premier jet, dont ils discutent par l’intermédiaire de FaceTime, Yves peut finaliser son dessin. «Je scanne alors le dessin et je le mets dans un logiciel de graphisme pour monter les planches. André «Gag» Gagnon, un ami du milieu de la BD québécoise, se charge des couleurs pour transférer en format professionnel et un autre ami le met en ligne », complète le Dr Paquet.
Et ce dernier n’a pas eu à aller bien loin pour se trouver un éditeur. Il s’est tourné vers Julien Poitras, autre urgentologue et vice-doyen aux affaires cliniques de l’Université Laval, également détenteur d’un bac en arts visuels et propriétaire d’une maison d’édition.
STAT séduit les pros et le grand public
Moelle Graphique s’occupe de microtirage. On retrouve ainsi, dans son catalogue, le caricaturiste du Soleil, André Philippe Côté, avec des albums qu’il voulait tirer à 200 ou 300 exemplaires, ce qu’aucune autre maison d’édition ne permet. «Julien s’est donc spécialisé dans des éditions de luxe à faible tirage. Je trouvais que c’était une belle façon de commencer.»
Partis au Salon du livre de Québec avec quelques centaines d’exemplaires sous le bras, le Dr Paquet et Julien Lessard ont tout vendu en une seule journée ! « On a aussi eu d’excellents commentaires de la part de gens assez connus dans le domaine, dont Malouin, ex-bédéiste pour Safarir, et autres dessinateurs. On a donc été surpris de ce bel accueil. »
Un test réussi, qui n’est pas passé inaperçu dans les médias. Les deux auteurs se sont retrouvés dans le Journal de Québec, plus récemment dans La Presse. « De plus en plus de gens viennent nous raconter leurs histoires ou nous interpeller : “Eh, l’inhalothérapeute, il n’est pas encore là ! Je n’ai pas vu le psychiatre…” Un peu comme s’ils voulaient tous y être ! »
En attendant une réimpression de leur premier album pour une diffusion dans l’ensemble du Québec, a priori juste à temps pour la période des fêtes, le succès de STAT sur le Web leur amène déjà des lecteurs d’un peu partout. Les professionnels de la santé ont aussi succombé. On peut lire STAT dans des publications de l’Ordre des infirmières de l’Alberta, de l’Association des médecins d’urgence du Québec et de la Société française de médecine d’urgence. Et ses créateurs ont même eu des demandes d’Inde et de Russie pour des traductions! Le Dr Paquet ne songe pas encore à se reconvertir, mais il ne serait pas contre l’idée de ralentir la cadence aux urgences pour avoir plus de temps à consacrer à sa bande dessinée.
Et qui sait, peut-être que les urgences du Québec se feront prescrire des albums STAT pour dérider leurs patients dans les salles d’attente!